Page:Paul de Saint-Victor - Les deux masques, tome 1.djvu/305

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
295
PROMÉTHÉE ENCHAÎNÉ.
V

Ce dévouement de Prométhée à la race humaine étonne les Océanides. On sent dans leur surprise l’indifférence de la nature pour l’humanité, des Êtres immuables qui composent son existence éternelle, pour les fragiles créatures qui passent et disparaissent devant eux. Quand elles apprennent que le Titan leur a fait présent de la flamme, elles se récrient comme si elles voyaient un roi couronner d’un diadème sans prix le front d’un esclave. — « Quoi ! les Éphémères possèdent maintenant le Feu resplendissant ! » — Elles lui reprochent cette amitié comme une mésalliance elles ne peuvent comprendre ce mystère d’un dieu se sacrifiant pour les hommes. — « Tu les as aidés plus qu’il ne convenait. Tu as trop aimé les mortels. Vois le salaire ingrat de tes bienfaits. Quel secours peux-tu attendre des Éphémères ? Ne vois-tu pas l’inerte impuissance enchaîner la race aveugle des mortels ? Jamais leur volonté ne prévaudra contre l’ordre établi par Zeus. » — Les Muses de l’Hymne Homérique ne regardent pas notre espèce, du haut de l’Olympe, avec un mépris plus superbe, lorsque « se répondant avec leurs belles voix elles chantent le bonheur éternel des Dieux et les misères