Page:Paul de Saint-Victor - Les deux masques, tome 1.djvu/306

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
296
ESCHYLE.

infinies des hommes, lesquels, ainsi qu’il plaît aux Immortels, vivent insensés et impuissants, et ne peuvent trouver un remède à la mort, ni une défense contre la vieillesse. » — Mais aux reproches des Océanides, Prométhée répond par un mot qui le met au-dessus des dieux : — « J’ai eu pitié des hommes ; c’est pourquoi on n’a pas eu pitié de moi. » — Mot sublime qui rattache son cœur d’Immortel aux entrailles humaines, qui rassemble en lui pathétiquement deux natures, et qui fait du Titan souffrant l’image prophétique du Rédempteur à venir. Lorsqu’il prononça pour la première fois cette parole sur le théâtre d’Athènes, l’écho lointain d’une colline de la Judée dut la répéter.

Cette pitié qui l’a perdu tressaille encore dans son âme ; il s’enorgueillit de son sacrifice, il le déclare spontanément résolu, volontairement accompli. Il savait ce qu’il risquait en sauvant les hommes ; c’est de son plein gré qu’il s’est offert à l’immolation. — « Oui », dit-il au Chœur, — « je n’ignorais rien, j’ai voulu, sachant ce que je voulais ; je ne le nierai pas ! Pour secourir les mortels, je me suis perdu moi-même. »

VI

Cependant le vieil Océanos, peut-être inquiet de ses