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PROMÉTHÉE ENCHAÎNÉ.

doux chant d’élégie s’exhale de ses lèvres. La Francesca du Dante, cette autre damnée de l’amour, emportée elle aussi par une rafale éternelle, n’est pas plus mélodieusement plaintive, lorsqu’elle raconte « à quels signes, aux temps des doux soupirs, Amour lui permit de connaître ses désirs incertains ».

Al tempo do dolci sospiri,
A che e corne concedette Amore,
Che conosceste i dubbiosi desiri,

« Sans cesse des apparitions nocturnes voltigeaient dans ma chambre virginale, et me murmuraient de douces paroles. « Ô bienheureuse jeune fille ! pourquoi si longtemps vierge, quand de si belles noces te sont promises ? Car Zeus brûle par toi sous le trait du désir, et il veut posséder Cypris avec toi. Ô jeune fille, ne dédaigne point le lit de Zeus, mais sors de ta demeure, et va dans la vaste prairie de Lerne, où sont les étables et les troupeaux de ton père, afin que l’œil du dieu ne brûle plus de désirs. »

Ce frère de douleur qu’elle a rencontré sur sa voie fatale a gardé le don de la prescience. Prométhée, le « Prévoyant », reste prophète sous ses chaînes, son rocher est un trépied fatidique d’où il surmonte l’avenir. Io l’embrasse comme une Suppliante questionnant éperdument l’autel d’un Oracle. Elle de-