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ESCHYLE.

que la flèche du chasseur entrant dans leur chair. Le mugissement de sa métamorphose semble enfler douloureusement sa voix féminine — « Où suis-je ? Quel est celui-ci et quelle est cette race ? Quel est celui-ci lié par des chaînes à cette roche orageuse ? Pour quel crime es-tu châtié ? Al ! Ah ! Hélas ! Hélas ! le taon me pique de nouveau ! Malheureuse ! » — Des visions affreuses l’environnent : ce n’est point son ombre qui court avec elle, c’est le fantôme du monstrueux geôlier qui la couvait de ses yeux de flamme ; leur horrible constellation la poursuit. — « Lui c’est lui, le spectre d’Argos ! Fuis, ô terre ! Je vois, frémissante, le bouvier aux yeux innombrables ! Il approche, il fixe sur moi ses regards perfides ! Échappé des enfers, il me chasse affamée, à travers tes sables marins ! » Elle entend aussi toujours la flûte ironique d’Hermès qui distille le sommeil sur les yeux d’Argos : à l’aiguillon de l’insecte s’ajoute ce bourdonnement affolant — « Consume-moi par le feu, ô Zeus ! engloutis-moi sous la terre, ou jette-moi en pâture aux bêtes de la mer ! »

Prométhée reconnaît la fille d’Inachos, et les Océanides lui demandent curieusement son histoire. Alors sa frénésie s’apaise un instant : elle se reporte aux jours où elle se sentit secrètement troublée par les effluves du désir d’un dieu, et un