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Page:Paul de Saint-Victor - Les deux masques, tome 1.djvu/44

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ESCHYLE.

greffe sur l’épi et ne fait plus qu’un avec lui. Les Grandes Déesses ont leur « Passion » figurée par le renversement des moissons et la désolation de l’hiver, Bacchus a la sienne plus tragique encore. Ce n’est point la mort de la faulx qu’il subit, mais la torture pire de la taille qui mutile ses ceps tourmentés, l’écrasement du pressoir qui distille son sang goutte à goutte. Une légende formée en Crète, d’un germe de l’Osiris égyptien, personnifie ce supplice. Bacchus y naît, sous le nom de Zagreus, d’un hymen de Zeus, déguisé en serpent, avec Perséphone. L’enfant furtif, chéri de son père, qui lui permet de manier sa foudre, excite la jalousie des dieux. Les Titans, masqués de plâtre, pénètrent dans la grotte où les Curètes le gardent, en frappant de l’épée sur le bouclier, pour qu’un n’entende pas ses cris enfantins. Ils l’égorgent et ils le déchirent, ils jettent ses membres dans une chaudière bouillonnante. Mais Pallas a recueilli le cœur encore chaud du petit martyr ; elle le porte à Zeus, qui en tire un nouveau Bacchus.

Celui-ci devient alors un dieu pathétique, lié aux veuvages et aux renaissances de la nature, expirant et revivant selon les saisons. Il séduisait l’homme par la joie, il l’attendrit par la mort qu’il partage et souffre avec lui. L’Immortel acceptant la mortalité se fait deux fois adorer. On montrait son tombeau à