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Page:Paul de Saint-Victor - Les deux masques, tome 1.djvu/46

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ESCHYLE.

veloppent le monde et qui le portent comme des fondements. Il suspend à son thyrse les clefs du tombeau. Aux Enfers même, il garde l’activité de sa vie terrestre. Son morne prédécesseur attendait patiemment les âmes qu’Hermès lui amenait, dirigées par sa verge d’or ; lui, il les chasse et il les rabat vers sa nécropole, il est le « grand veneur des morts », — Ὁ μέΥας ἄγρεων. — Moins effrayant pourtant que le lugubre Pluton : la mort donnée par lui semble presque aussi douce que celle de l’ivresse. Fidèle à sa nature qui est de briser tout joug et toute chaîne, il « délie » les âmes en les enlevant de la vie. Des euphémismes consolants, Soter, Eleuthereus, Lysios, « Sauveur », « Libérateur », « Celui qui dénoue », voilent sa puissance destructive. Ses Ménades ajouteront plus tard à leurs noms celui de « Servantes de la mort » : Ditis famulœ. Ses Bacchanales et ses Triomphes vont décorer les sarcophages ; les Noces d’Ariane déroulent le long des parois leur fastueux cortège, les Satyres soufflent dans leurs doubles flûtes, l’Amour, planant aux volutes du marbre, secoue son flambeau sur le chœur des danses, comme pour distraire les morts en les entourant des plus riantes images de la vie.

Non content d’avoir détrôné Pluton, Bacchus lui prend sa sombre et douce Perséphone, oubliant qu’il est son fils, d’après le mythe même qui l’a fait roi