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Page:Paul de Saint-Victor - Les deux masques, tome 1.djvu/76

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ESCHYLE.

biade, soufflent dans les flûtes et les hautbois, puisqu’ils ne savent point parler. Nous autres, Athéniens, nous n’avons que faire d’un instrument qui nous bâillonne et nous défigure. »

Avec la flûte et les chants qui le faisaient émule d’Apollon, Bacchus avait son cortège, théâtral avant le théâtre même, par ses masques et ses costumes, ses pantomimes et ses danses. Le Thiase était une troupe toute formée qui n’attendait que le signal de la Muse pour entrer en scène. Ce signal lui fut donné dans les Fêtes bachiques qui représentaient ses orgies et son appareil mascarades satyriques, festins en plein vent, chœurs alternés, danses pétulantes aiguillonnées par la pointe du vin de primeur. Le Dieu lui-même, sous la figure d’un de ses prêtres, conduisait la pompe, le lierre au front et le thyrse en branle, beau comme une vierge, farouche comme une bête, proclamant par des cris sauvages le délire dont il était plein. Autour de lui les Phollophores et les Ityphalles brandissaient, au bout d’un bâton, le symbole de ses énergies créatrices. Ils chantaient ses louanges à tue-tête, sur le mode boiteux de l’Iambe qui simulait les titubations de l’ivresse ; ils mimaient les épisodes glorieux ou douloureux de ses mythes. La procession tournait, selon les évolutions liturgiques, autour d’un autel. Le sacrifice d’un bouc choisi comme animal luxurieux, ou comme victime