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NAISSANCE DU THÉÂTRE.

et des danses dignes de toi, Dieu dont la chevelure se couronne de lierre, écoute les chants de mon chœur dorien ! »

La Grèce des grandes époques avait proscrit d’abord l’instrument orgiaque, venu de Phrygie ; elle tenait pour indigne le pipeau barbare de converser avec sa noble langue. Une belle tradition exprimait cette antipathie. On racontait que Pallas avait inventé la flûte, mais qu’après les premiers sons la déesse l’avait dédaigneusement rejetée, s’apercevant qu’elle gonflait ses joues et tourmentait ses traits purs. Marsyas, un des suivants phrygiens de Bacchus, l’avait, dit-on, ramassée et il était devenu un aulète habile. De là sa lutte avec Apollon, et la vengeance du Citharède écorchant le Satyre vaincu, lié aux branches d’un platane. Après les guerres Médiques, la flûte chère à Bacchus s’insinua dans les fêtes et les sacrifices. Le dieu l’imposa à Athènes qui, comme sa patronne, l’avait longtemps méprisée. Mais les grands Attiques protestèrent toujours contre ce serpent sonore dont le sifflement fascinait. « — Préférons, disait Platon, Apollon l’inventeur de la lyre à Marsyas l’inventeur de la flûte, c’est-à-dire un Dieu à un Satyre. » — Aristote condamne la flûte, parce que, loin de tempérer le caractère, elle l’excite à l’emportement, et que ses sons troublent la raison. » — « Que les Béotiens, s’écriait Alci-