Page:Paul de Saint-Victor - Les deux masques, tome 1.djvu/91

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
81
ESCHYLE.

temps d’Homère, le mythe aurait transfiguré cette famille épique ; il en aurait fait un groupe d’astres ou de demi-dieux.

Avant de combattre à Marathon, Eschyle avait déjà lutté sur la scène ; il y avait vaincu le vieux Pratinas. Entre les deux guerres et jusqu’à sa mort, le théâtre, où il fut cinquante-deux fois couronné, absorba sa vie. Cette vie superbe n’a laissé que quelques vestiges, elle a disparu sous l’écroulement de son œuvre. Il n’en reste que des traditions de persécutions et de calomnies, la face fruste d’une statue lapidée. Eschyle fut accusé d’impiété pour avoir révélé aux profanes les rites des Mystères : grief grave, délit capital. Le secret était juré par les initiés, et la mort punissait toute révélation. Tel vers de lui semble en effet écarter un rideau sacré, murmurer à voix basse des mots ineffables. Mais la pensée d’Eschyle égalait en hauteur et en profondeur les dogmes et les arcanes d’Éleusis, elle se confondait avec eux. Il y eut rencontre, sans doute, amalgame de sublimités, non divulgation sacrilège. Les rayons de la scène se croisèrent avec les éclairs du temple, et parurent avoir emprunté leur flamme. Élien raconte que le poète, traduit devant l’Aréopage, allait être condamne par son arrêt sans appel, si Amynias, qui assistait son grand frère, fendant sa tunique, n’avait montré aux juges le bras mutilé du soldat