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ESCHYLE.

L’un, le bombyx en main, l’enflamme sous ses doigts, en fait jaillir la note frénétique, la note qui allume les colères : l’autre s’étourdit de l’airain vibrant des cymbales… L’hymne bondit, le formidable Alala, pareil à la voix caverneuse du taureau ! un mugissement sourd et d’autant plus terrible : puis le tambour roule comme le grondement d’un tonnerre souterrain !… Les murs en sont affolés, les toits pris d’ivresse. »

Il dit ailleurs : « Le miroir du corps, c’est le poli de l’airain celui de l’âme, c’est le vin. »

Eschyle naquit et grandit dans l’âge héroïque d’Athènes, à l’aurore sanglante de sa liberté. Il était de la génération des grands et des forts, de l’élite des « Marathonomaques », comme les Athéniens de Périclès appelèrent plus tard les vétérans des grandes guerres Médiques. Enfant, il avait vu peut-être l’éclair du glaive d’Harmodius jaillir « du myrte verdoyant ». Il avait trente-cinq ans à Marathon, d’où il rapporta une glorieuse blessure. Dix ans plus tard, il était à Platée et à Salamine ; il combattit tous les grands combats. Race héroïque entre toutes : son frère Cynégire est l’homme qui, se cramponnant à l’abordage d’un galère persane, et les deux bras coupés par la hache, s’y rattacha avec les dents pour l’en faire démordre, il fallut lui trancher la tête. Son autre frère, Amynias, donna, à Salamine, le premier coup d’éperon sur la flotte des Perses, tua leur navarque et coula bas son vaisseau. Au