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ESCHYLE.

zième siècle eut des monstres lettrés et îles bandits dilettantes. Tel humaniste couronné qui, le matin, commandait une fresque, ou se faisait expliquer Homère par un philologue byzantin, assassinait ses ennemis le soir, ou leur servait un souper assaisonné de cantarella. De même, Hiéron était un tyran cruel et rapace, mais aussi un protecteur magnifique des muses, tenant cour ouverte aux poètes qu’il appelait de tous les points de l’Hellade. Pindare était son joueur de lyre, et il a chanté dans ses Olympiques « l’homme qui tient le sceptre de la justice dans la Sicile aux grands troupeaux » ; il a célébré « sa table hospitalière, retentissante de douces mélodies » : Hiéron combla Eschyle de dons et d’honneurs, mais le vieux poète n’habita pas son palais, trouvant sans doute aussi dure que Dante « la montée de l’escalier des patrons ». Il se retira à Géla, au pied de l’Etna. L’esprit se complaît dans cette grande image Eschyle l’hôte du volcan et le voisin d’Encelade. L’Etna fut le titre de son dernier drame : autre rêve qui saisit l’imagination. Cela fait songer au projet réalisé du sculpteur d’Alexandre, modelant une montagne en colosse, lui faisant porter une ville sur la main droite, et verser de l’autre un fleuve dans la plaine.

Eschyle mourut à soixante-neuf ans. On grava sur sa tombe l’épitaphe qu’il s’était tracée ; le poète s’y efface derrière le guerrier. Ce n’est point d’un chant