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ESCHYLE.

tragique, mais d’un bruit d’armes agitées qu’il voulut que retentit sa mémoire : — « Sous cette pierre gît Eschyle, fils d’Euphorion. Né dans Athènes, il mourut aux champs plantureux de Géla. Au bois si fameux, au bois de Marathon, au Mède à la flottante chevelure, de dire s’il fut vaillant. Ils l’ont vu ! »

II

C’est justement que les anciens avaient donné à Eschyle le grand nom de « Père de la tragédie ». Sublimité et génie à part, l’innovation qu’il y porta équivaut à une création. Il la transforma corps et âme, esprit et matière. Il tira le théâtre des matériaux épars amassés par ses devanciers, et le reconstruisit sur un plan qui fut modifié depuis, mais non pas détruit. Ce fut lui qui introduisit le deuxième acteur sur la scène ; progrès suprême d’où découlèrent tous les autres. Le dialogue date de ce second personnage posé en face du premier car parler et répliquer à un Chœur impersonnel et confus, c’était converser avec un écho. Dans l’interlocuteur qui lui vient, le héros trouve un appui ou une résistance, il ne raconte pas seulement, il agit. Sa parole est lancée vers un but visible, sa passion attaque un être vivant, au lieu d’embrasser à vide une Ombre évoquée par l’incantation d’un récit. Le Chœur débordait dans les drames diffus de Chérilos