Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/304

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qui n’y soit point insolent, inconvenant, grossier, parvenu ; le seul peuple qui ne glisse point sur les parquets cirés de la gloire ; le seul peuple qui soit révolutionnaire, et quand les événements se présentent, qui lui introduisent des rois, non seulement il sait les recevoir, mais il se trouve avoir sous la main, pour les y recevoir, des monuments royaux comme aucun roi du monde en aucun pays du monde n’en pourrait sortir dans le même temps, n’en pourra jamais sortir dans aucun temps de son pays.

Rien n’est bon pour le repos comme ces promenades apparemment fatigantes au milieu du peuple de Paris ; l’esprit est occupé juste assez pour que le repos y pénètre et y règne, souverain lui-même, sans aucune contestation ; la pleine vacuité fatiguerait, en de tels moments ; mais ce demi-plein demi-vide est ce qu’il y a de plus reposant ; et il y a dans ce peuple, tout gâté qu’il soit par un demi-siècle de démagogie, tant de courage, tant de bonne humeur, tant d’endurance, tant de joie ; sortis pour voir le roi, on regardait le peuple, le vieux et déjà nommé peuple roi ; c’était surtout lui, le peuple, qui passait et défilait, que l’on regardait passer et défiler, qui lui-même se regardait passer et défiler ; en ce temps de mutualité à outrance, le défilé mutuel dans la simple rue, le spectacle mutuel en font une application, de la mutualité, la plus ancienne et la plus durable des applications ; et c’est un théâtre populaire qui enfonce tous les laborieux Théâtres du Peuple de nos livresques ; au fond c’était tout un ; le peuple, le roi ; le roi, le peuple ; c’était tout un parce que c’était tout un même spectacle, et, ensemble, en un sens, tout un même spec-