Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/319

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dessin de ces lignes mêmes que sont les vers. Lui-même le savait bien, lui le premier, le grand poète, l’habile homme. Et quand il réussissait, celui-là, on peut être assuré que lui-même, lui le premier, il n’ignorait rien du comment ni du pourquoi de sa réussite. Passons toutes ces strophes ou tous ces couplets, tous également forts, tous également faits, tous également beaux. Finissons sur le dernier, dont les derniers mots enferment l’aveu :

Mais il semble qu’on se réveille !
Est-ce toi que j’ai dans l’oreille.
Bourdonnement du sombre essaim ?
Dans la ruche frémit l’abeille ;
J’entends sourdre un vague tocsin.
Les Césars, oubliant qu’il est des gémonies,
S’endorment dans les symphonies,
Du lac Baltique au mont Etna ;
Les peuples sont dans la nuit noire ;
Dormez, rois ; le clairon dit aux tyrans : Victoire !
Et l’orgue leur chante : Hosanna !
Qui répond à cette fanfare ?
Le beffroi… —
Lazare ! Lazare ! Lazare !
Lève-toi !

Jersey, mai 1853. — Ces derniers vers, ces mots tocsin, fanfare, beffroi, c’est ce que je nomme l’aveu du coupable, un aveu précieux de l’homme de métier ; la marque et l’aveu du fabricateur. C’est bien là qu’il en voulait venir, au tocsin, au bourdon. C’est bien là ce qu’il faisait, une fanfare. Là ce qu’il édifiait, des tours et des sonneries de beffroi. Ce sont toujours les tours,