Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/320

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et, si l’on veut, le clocher de Notre-Dame. C’est bien cela qu’il nous représentait, qu’il nous donnait à entendre, qu’il nous forçait à écouter, que son rythme nous représentait. Nous n’avions pas besoin de cet aveu explicite pour savoir ce que son rythme nous voulait, et quelle était son image de derrière la tête.

Ensemble, inséparablement, non analysées, parce qu’il était un grand poète, non dessoudées, image visuelle et image auditive. Ensemble images de beffrois d’Hôtels-de-Ville et de tours de cathédrale.

Il savait son métier, celui-là ; et rien de son métier ne lui demeurait étranger. Il savait faire un tocsin rien qu’avec des mots, une fanfare, avec des rimes, un bourdon, rien qu’avec des rythmes. Il n’ignorait pas. On a pu lui faire beaucoup de reproches, fondés : on ne lui reprochera pas d’avoir ignoré. Les sons parlés et déclamés, les paroles poétiques lui donnaient autant que les sons chantés et que les paroles instrumentales donnèrent jamais à personne. Il n’ignorait pas l’effet d’immense allongement, de grandeur démesurée, absolue, que donne un alexandrin isolé, lancé dans une strophe de simples vers. Et puisqu’il s’agit d’entendre des bourdons, d’écouter des tocsins, il n’ignorait pas le branle énorme que rend cet alexandrin tout seul sonné dans une batterie de moindres vers. Et il savait, réciproquement il savait l’effet que donne, en fin de strophe, en fin des mêmes strophes, un tout petit vers expirant ; et le redoublement de ce petit vers, le redoublement de cette expiration ; et la succession immédiate de ce petit vers à des vers majeurs, ou à un vers majeur.