Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/420

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de traduire le même homme, Œdipe, quand il paraît sous son nom de Οἰδίπους, et consentez-vous à le traduire quand il paraît sous son nom de τύραννος, que vous ne traduisez ni par tyran, ni même par tyrannos, mais tout bonnement par le mot roi. et ce pour des raisons historiques. Vous êtes conduit ainsi à vous contenter de la traduction suivante : Oidipous-Roi. Vous n’êtes point conséquent avec vous-même. Vous n’êtes point strict. Il fallait traduire ce titre ainsi Oidipous Tyrannos ; ou traduire comme tout le monde Œdipe-roi. Et le trait d’union, mettrez-vous ce trait d’union, qui n’existait point dans le grec, je pense, et qui aujourd’hui fait la joie de notre bon camarade M. Gabriel-Ellen Prévost ?

Il y a beaucoup d’enfantillage dans votre cas et beaucoup d’ostentation. Vous me répondez que Οἰδίπους n’est pas Œdipe, et qu’il y a de l’un à l’autre d’incalculables distances. Vous avez cent fois raison. Mais cet argument ne va pas seulement contre la traduction des noms propres ; il ne va pas seulement contre la traduction de Οἰδίπους en Œdipe : il va également et totalement contre toute sorte de traduction, et notamment contre la traduction des noms communs. Si vous signifiez seulement par ce que vous dites que toute traduction comporte une altération, entraîne une déperdition, c’est ce que nous avons dit cent fois, mais cela est vrai des noms communs au moins autant que des noms propres. Si vous signifiez ainsi que toute traduction est une opération essentiellement imparfaite et qu’il y a toujours entre un texte et toute traduction de ce texte une distance irrémissible, vous abondez dans mon sens, puisque nous rejoignons ici cette capitale insuffisance des méthodes historiques prétendues scientifiques,