Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/55

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de cette limite le pauvre ou le riche a la certitude que sa vie économique est assurée ; la certitude règne au delà de cette limite ; le doute et la contre-certitude se partagent les vies qui demeurent en deçà ; tout est misère en deçà, misère du doute ou misère de la certitude misérable ; la première zone au delà est celle de la pauvreté ; puis s’étagent les zones successives des richesses.

Beaucoup de problèmes économiques, moraux ou sociaux, politiques même seraient préalablement éclairés si l’on y introduisait, ou plutôt si l’on y reconnaissait comme due la considération de cette limite. Nous y reviendrons si nous le pouvons. Nous examinerons si cette limite existe en fait, si cette limitation vaut en droit, dans quelle mesure, sous quelles conditions.

En fait on s’apercevrait sans doute que cette limite n’existe pas universelle, qu’elle n’est pas fixe, qu’on ne la constate pas dans tous les cas, et que dans les cas où on la constate elle est variable ; mais on reconnaîtrait qu’elle se présente dans un très grand nombre de cas, même aujourd’hui ; qu’elle a une importance capitale dans les sociétés fortement constituées ; qu’elle a une grande importance encore dans une société troublée, comme est la société contemporaine ; aujourd’hui même, on reconnaîtrait qu’un très grand nombre de situations sociales sont définies parce qu’elles sont condamnées à demeurer en deçà de cette limite ; et un assez grand nombre d’autres sont définies parce qu’elles ont franchi cette limite sans risque de retour ; toute une zone sociale est déterminée parce qu’elle est située au delà de cette limite, juste au delà, sans la déborder beaucoup vers l’aisance, mais sans aucun risque de bavure en