Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/185

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fondément dans le monde ouvrier, à cette profondeur, aussi totalement. Et surtout il n’y est pas du tout le même. Il est fort loin d’y être entré comme une race. Contrairement à ce que l’on croit généralement, à ce que croient communément les écrivains, les publicistes, les sociologues, qui sont des intellectuels et des bourgeois, le sabotage dans le monde ouvrier ne vient pas des profondeurs du monde ouvrier ; il ne vient pas du monde ouvrier lui-même. Il n’est point ouvrier. Il est, essentiellement, bourgeois. Il ne vient pas du bas, par une remontée des boues, des bas-fonds ouvriers. Il vient du haut. C’est le socialisme qui seul pouvait l’éviter, éviter cette contamination. C’est le sabotage bourgeois, le même, le seul, qui par contamination de proche en proche descend par nappes horizontales dans le monde ouvrier. Ce n’est point le monde ouvrier qui exaspère des vices propres. C’est le monde ouvrier qui s’embourgeoise graduellement. Contrairement à ce que l’on croit, le sabotage n’est point inné, né dans le monde ouvrier. Il y est appris. Il y est enseigné dogmatiquement, intellectuellement, comme une invention étrangère. C’est une invention bourgeoise, une invention politique, parlementaire, essentiellement intellectuelle, qui pénètre par contamination et enseignement, intellectuel, par en haut dans le monde ouvrier. Elle y rencontre des résistances qu’elle n’avait jamais rencontrées dans le monde bourgeois. Elle n’y a point bataille gagnée. Elle n’y a point ville prise. Elle y est, somme toute, artificielle. Elle s’y heurte à des résistances imprévues, à des résistances d’une profondeur incroyable, à cet amour séculaire du travail qui enrichissait le cœur laborieux. Le monde bourgeois et capitaliste est presque tout entier, pour