Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/319

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Vais-je vous chercher un substitut. Je vous avoue que je ne m’en sens pas le goût, que je ne m’en sens pas le cœur.




La confidence intime de toutes, la confidence des projets. La confidence la plus profonde, la plus secrète. Nous tous qui écrivons, Halévy, qui commençons à être un peu versés dans cet art difficile, nous qui tâchons, qui nous proposons d’être des écrivains propres, des écrivains probes, vous le savez, Halévy, nous ne faisons pas les malins. Nous laissons ça au parti intellectuel, de faire les malins. Nous ne sommes pas fiers. Pour moi je ne m’en cache pas. J’ai toujours le tremblement comme au premier jour. Je devrais pourtant commencer à savoir ce que c’est que de donner des bons à tirer. Je devrais commencer à être blasé sur ce que c’est que de donner un bon à tirer. Vous le savez, Halévy, je ne m’en cache pas. Je ne donne jamais un bon à tirer que dans le tremblement. Je ne m’attaque jamais à une œuvre nouvelle que dans le tremblement. Je vis dans le tremblement d’écrire. Et plus on va, je crois, plus on a peur. J’admire cette grande assurance de nos intellectuels. Tout ce qu’on a fait, tout ce qu’on a derrière soi, (et pourtant on dit que ça commence, que ça en fait un peu), est derrière soi comme rien, comme une immense plaine. Et tout ce qu’on a encore à faire, tout ce qu’on voit, tout ce qu’on a devant soi (y compris ce qu’on ne fera jamais) est