que l’autre était peut-être bien le génie de la Guerre ; le parallélisme de ces deux verticales avait été poussé si loin dans les esprits que Vendôme avait fini par devenir une espèce de nom de mois. Merveilleuse correspondance, antithèse toute faite pour Hugo : la colonne de la Victoire, la colonne de la Liberté ; la colonne de la Gloire militaire, la colonne de la Gloire civile. Entre nous cette antithèse était un peu factice, tout à fait faite par conséquent pour Hugo. Car la colonne de la Liberté était aussi une colonne de la Victoire, au moins sur les Suisses et sur quelques bons Français, et j’ai entendu dire que cette Gloire civile avait surtout été procurée à coups de fusils. Enfin, avec tout ça, c’est-à-dire avec Napoléon et les Autrichiens, la Colonne n’était pas encore la colonne. Elle n’était encore, comme la nomme, comme l’invoque très bien Hugo, que la Colonne de la place Vendôme. Ce qu’il lui fallait, à cette Colonne, pour devenir la colonne, c’était d’avoir été préalablement fichue par terre et ensuite remontée ; ce qui lui manquait (c’est un peu cette sorte de gloire, il faut le dire, de publicité que Hervé a faite au drapeau de Wagram), ce qui lui manquait, c’était la Commune, Courbet, (Vuillaume comme chroniqueur). Les gouvernements réactionnaires ayant pris soin de ne pas fiche par terre la colonne de Juillet, la concurrence est tombée. C’est à cause de Vuillaume que nous pouvons dire : la colonne. C’est à cause de la tradition de l’opposition républicaine. C’est à cause de Vuillaume que Hugo à quatre-vingts ans pouvait dire la colonne. Mais il ne le pouvait pas à vingt ans, à cause de l’absence de Vuillaume. Il lui fallait une histoire propre, à cette colonne, une affaire. Une gloire propre. Les républicains la lui ont faite.
Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/360
Apparence