Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/496

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camp de Cercottes : Si une fois les réservistes marchaient, ça serait pour de bon. Pendant toute cette alarme, tant que dura la tension, quand l’Allemagne n’entra pas, parce qu’elle n’osa pas, tout le temps qu’elle n’entra pas du même pas nous allions les mêmes routes ; nous nous maintenions ensemble magnifiquement entraînés ; dans le besoin nous abattions côte à côte, aussi longtemps que dura la tension, nous abattions l’un et l’autre, nous abattions nos quarante kilomètres comme un jeune homme. Nous serions prêts à recommencer. Dans la mesure où la carcasse le veut. De telles compagnies, de tels accompagnements, de telles conserves ; de telles routes ; de tels souvenirs ne doivent-ils pas durer toute la vie. Ne doivent-ils pas marquer toute une vie. Ne doivent-ils pas compter, comme sacrés. Ne doivent-ils pas valoir pour toute une vie. De tels souvenirs communs, en commun, cueillis en commun, amassés, ramassés comme une moisson commune. Cette moisson de la route. Ces marches communes. De tels souvenirs ne doivent-ils pas engager, en un certain sens, (toute) une vie, marquer, engager nos deux vies, compter pour (tout) ce qui nous reste de ces deux vies, nos deux, déjà si entamées, si profondément diminuées déjà, qui plus est, si diminuantes. De tels souvenirs n’éclairent-ils pas toute une vie, ne valent-ils pas, ne comptent-ils pas pour une vie entière.



L’un par l’autre, Halévy, l’un vers l’autre nous avons