Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/97

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consens point d’avoir été mouillé. Je ne me sens point ce poil de chien mouillé. Je ne me reconnais point dans ce portrait. Nous étions autrement fiers, autrement droits, autrement orgueilleux, infiniment fiers, portant haut la tête, infiniment pleins, infiniment gonflés des vertus militaires. Nous avions, nous tenions un tout autre ton, un tout autre air, un tout autre port de tête, nous portions, à bras tendus, un tout autre propos. Je ne me sens aucunement l’humeur d’un pénitent. Je hais une pénitence qui ne serait point une pénitence chrétienne, qui serait une espèce de pénitence civique et laïque, une pénitence laïcisée, sécularisée, temporalisée, désaffectée, une imitation, une contrefaçon de la pénitence. Je hais une humiliation, une humilité qui ne serait point une humilité chrétienne, l’humilité chrétienne, qui serait une espèce d’humilité civile, civique, laïque, une imitation, une contrefaçon de l’humilité. Dans le civil, dans le civique, dans le laïque, dans le profane je veux être bourré d’orgueil. Nous l’étions. Nous en avions le droit. Nous en avions le devoir. Non seulement nous n’avons rien à regretter. Mais nous n’avons rien, nous n’avons rien fait dont nous n’ayons à nous glorifier. Dont nous ne puissions, dont nous ne devions nous glorifier. On peut commencer demain matin la publication de mes œuvres complètes. On pourrait même y ajouter la publication de mes propos, de mes paroles complètes. Il n’y a pas, dans tous ces vieux cahiers, un mot que je changerais, excepté quatre ou cinq mots que je connais bien, sept ou huit mots de théologie qui pourraient donner matière à un malentendu, être interprétés à contresens, parce qu’ils sont au style indirect et que l’on ne voit pas assez dans la phrase qu’ils sont au style