Page:Peguy oeuvres completes 08.djvu/154

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ŒUVRES POSTHUMES existaient encore, balançaient encore la puissance de l'argent. Des puissances intemporelles balançaient encore les puissances temporelles. Parmi les puissances temporelles mêmes il y en avait encore qui balançaient la puissance temporelle de l'argent. Dans le monde moderne, dit l'histoire, ce n'est pas même un abus. C'est l'exercice même et l'institut pour ainsi dire et la substance du monde moderne que cette implacable, que cette épuisante omnipotence de l'argent).

C'est ce qui fait si mélancolique, dit-elle, cette romance de Chérubin. Elle marque un âge, elle date un peuple, elle date un monde qui ne retournera sans doute jamais dans l'histoire du monde. C'était alors une jeunesse, un peuple gonflé de sa propre sève. Plus tard viennent les réalisations. Nous déclarons tous, nous nous affirmons à nous-mêmes que rien ne vaut les réalisations. Nous savons que rien n'est profond, et grave, et sérieux comme les réalisations, comme une œuvre faite, comme l'opération même, comme une guerre faite et une victoire couronnée. Comme une conquête enregistrée. Comme une victoire acquise. Comme une victoire inscrite. Nous le savons, nous en sommes sûrs. Et nous savons aussi que nous ne nous retournons jamais sans une profonde mélancolie vers cet âge où l'œuvre était espérée seulement, où la for- tune encore n'était pas jouée, où tout était dans le risque mais dans la promesse, où la bataille enfin n'était pas donnée.

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