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cette philosophie, qui est une philosophie de l’intérieur, aboutît non point à déplacer des royaumes par un mouvement extérieur, par une translation externe, par une substitution extrinsèque, mais à les rénover, à les creuser, à les rendre eux-mêmes en y opérant une interne révolution.

La philosophie bergsonienne n’est point une physique du transfert, une mécanique, une cinématique de la translation. C’est une organique. Et même une réorganique. Et c’est une dynamique.

Il y a des ordres, il y a des royaumes, il y a des règnes, il y a des disciplines. Il y a la foi ; il y a l’amour ; il y a l’art ; il y a la philosophie ; il y a la morale ; il y a la science. Et sans doute il y en aurait d’autres. Et même il faudrait dire qu’il n’y a pas seulement des royaumes : il y a des provinces. Et qui sont peut-être autant séparées que des royaumes. Car il n’y a peut-être rien qui soit aussi contraire aux arts plastiques que les arts musiciens. Et il n’y a peut-être rien qui soit aussi contrarié aux « sciences » mathématiques que les « sciences » naturelles. Et dans la morale je distinguerais peut-être une civique qui aurait mes préférences.

Le bergsonisme n’est point une géographie, c’est une géologie.

Il ne s’agit point que la Bretagne soit la Provence et que la reine Anne soit le roi René. Il s’agit que la Lorraine soit bien la Lorraine et que l’Île-de-France soit encore plus l’Île-de-France et soit bien le cœur et la tête.

Le bergsonisme n’est aucunement une philosophie de métathèse et de métonymie.

Ou pour parler un langage platonicien et anteplato-