Page:Peguy oeuvres completes 13.djvu/120

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C’est une question, une question éternelle, de savoir si l’ignorance est plus près de Dieu, ou si c’est l’expérience, si l’ignorance est plus belle au regard de Dieu, ou si c’est l’expérience, si l’ignorance est plus agréable à Dieu, ou si c’est l’expérience. Mais ce que nous pouvons dire, parce que nous le voyons, que nous n’avons qu’à le voir, c’est que nos constances, c’est que nos fidélités, c’est que nos créances ont une certaine nouvelle beauté propre, une certaine valeur, une certaine nouvelle grandeur propre. Comme inventée pour nous. Comme créée pour ce monde moderne. Nos fidélités sont comme plus fidèles que les fidélités anciennes. Nos créances sont des fidélités comme plus fidèles que les fidélités anciennes. Loin que nos fois soient diminuées, comme le veut M. Laudet, elles sont peut-être en un certain sens comme augmentées. Comme illustrées. Plus que jamais elles sont des fois qui tiennent bon. Miles Christi, tout chrétien est aujourd’hui un soldat ; le soldat du Christ. Il n’y a plus de chrétien tranquille. Ces Croisades que nos pères allaient chercher jusque sur les terres des Infidèles, non solum in terras Infidelium, sed ut ita dicam, in terras ipsas infideles, ce sont elles aujourd’hui qui nous ont rejoints au contraire, ce sont elles à présent qui nous ont rejoints, et nous les avons à domicile. Nos fidélités sont des citadelles. Ces croisades qui transportaient des peuples, qui transportaient un continent sur un continent, qui jetaient des continents les uns sur les autres, elles se sont retransportées vers nous, elles ont reflué chez nous, elles sont revenues jusque dans nos maisons. Comme un flot, sous la forme d’un flot d’incrédulité elles ont reflué jusqu’à nous. Nous n’allons plus porter le combat chez les Infidèles.