Page:Peguy oeuvres completes 13.djvu/122

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de la chrétienté aujourd’hui sont requises de la chrétienté tout entière. C’est ce que M. Laudet nomme un affaiblissement, une diminution, un affadissement de la foi. C’est le contraire, monsieur Laudet. Qui ne voit au contraire que c’est le contraire. Les vertus qui n’étaient requises que d’une partie sont aujourd’hui requises du tout. De tout le monde. Les vertus qui n’étaient requises que de quelques-uns, de plusieurs, sont aujourd’hui requises de tous, du moindre. Une guerre, des vertus qui n’étaient que temporaires, fragmentaires, aujourd’hui sont requises constantes, permanentes, totales, temporellement éternelles. Une guerre, des vertus qui étaient volontaires, puisqu’elles faisaient l’objet et la matière d’un vœu, aujourd’hui sont requises, exigées, impérieusement exigées sans même, avant même que nous ayons à nous en occuper. Sans que nous soyons consultés. Sans qu’on nous demande, sans que nous ayons à donner notre avis. C’est le cas de le dire : Tout le monde est soldat malgré son consentement. Quelle preuve de confiance dans les troupes. C’est littéralement un service militaire obligatoire et il est extrêmement remarquable que les sociétés civiles ont exactement suivi la même loi, la loi de chrétienté. C’est une levée en masse. Ce qui n’était requis que des vieilles troupes, ce qui n’était demandé qu’au grognard est aujourd’hui demandé au conscrit. Ce qui était du domaine du vœu, et par conséquent laissé à la liberté de chacun, est devenu la loi commune. La mer bat le seuil de nos portes. Un vœu, et de guerre perpétuelle, a été fait sans nous pour nous avant notre naissance, par ce seul fait que nous naissons dans ces siècles temporels. C’est pour cela que nos