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Page:Peguy oeuvres completes 13.djvu/123

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constances, que nos fidélités, que nos créances ont cette beauté, nouvelle, cette rareté, cette invention, cette innovation de beauté, d’être perpétuellement battues imbattables. On a tellement compté sur nous qu’où les autres étaient libres nous sommes forcés. Contraints. Ce qui aux autres était offert, à nous est imposé. Ce qui pour les autres était extraordinaire, pour nous est ordinaire, va de soi. C’est le tissu même de notre vie, le tissu de notre courage. C’est ce que M. Laudet nomme une diminution, une déperdition, un fléchissement, un affadissement de notre foi, une diminution, une déperdition, un fléchissement, un affaissement, un affadissement de chrétienté. Une diminution en extension, en géographie, je le lui concède, c’est un fait historique, et même un fait historique capital, qui ne le voit. Mais qui ne voit aussi que cette diminution même, capitale, quantitative, a entraîné pour le christianisme même, pour la chrétienté, pour les chrétiens qui restaient un statut nouveau, une condition peut-être infiniment plus profonde, une fidélité peut-être infiniment plus éprouvée, une condition peut-être infiniment plus affouillée en profondeur, en géologie. Nos pères avaient besoin de se croiser, eux-mêmes, et de se transporter pour faire la Croisade. Nous Dieu nous a croisés lui-même, quelle preuve de confiance, pour une croisade incessante sur place. Les plus faibles femmes, les enfants au berceau sont déjà des assiégés. La guerre bat le seuil de nos portes. Nous n’avons pas besoin d’aller la chercher, d’aller la porter. C’est elle qui nous cherche. Et qui nous trouve. Les vertus qui n’étaient requises que des militaires pour ainsi dire, des hommes d’armes, du seigneur en armure aujour-