Page:Peguy oeuvres completes 13.djvu/148

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s’acheminait rapidement vers la quarantaine. L’annuaire de l’Association Amicale de Secours des Anciens Élèves de l’École Normale Supérieure (familièrement A.A.A.S.A.E.E.N.S.) (mon cher camarade, mon cher camarade, (c’est M. Salomon Reinach lui-même que j’ose nommer ainsi), on a fondé une association amicale de secours des anciens élèves de l’École Normale Supérieure, c’était bien. Mon cher camarade ce qui serait mieux, voulez-vous vous mettre avec moi, nous allons fonder l’association amicale de secours de l’(ancienne) École Normale elle-même. Elle en a bougrement besoin de secours, notre vieille maison ; et peut-être qu’en travaillant beaucoup nous arriverions à en sauver quelques reliques des mains politiciennes, des séniles mains de M. Lavisse. Cet Annuaire nous porte donc, M. Reinach et moi, à une distance de dix-huit ans en promotion. J’y suis compté dans la promotion de 94, et M. Reinach dans la promotion de 76. Cela fait sensiblement 18. Si précoce que pût être M. Reinach et si enfant arriéré que j’aie toujours été, et bien que de son temps on ne fît pas de service militaire, il ne peut guère y avoir qu’un flottement de quelques années entre les âges d’admission, d’entrée à l’École. M. Reinach abordait donc la quarantaine quand nous levions l’ancre de nos vingt années. Je suis à M. Reinach, (on me passera cette expression mathématique), comme sont à moi ces tout jeunes gens qui viennent aujourd’hui me voir.

Or il est extrêmement difficile sinon impossible à une génération, à une promotion qui vieillit de croire que les autres vieillissent aussi. Plus précisément ils veulent bien voir que leurs anciens vieillissent, et ils