Page:Peguy oeuvres completes 13.djvu/158

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pas de chance, — l’ont conduit à découvrir que notre maître, — (et son maître), — enfin que notre commun maître M. Lanson était un homme d’un génie extraordinaire. Que faire quand par un coup de la fortune ennemie on a découvert, on se trouve brusquement le détenteur d’un aussi pesant secret. Ah si monsieur Rudler avait découvert, si ses études et recherches micrographiques l’avaient conduit à découvrir que notre commun maître M. Lanson n’était pas tout à fait un homme d’un génie extraordinaire, oh alors la voie du devoir était toute indiquée. Heureux les devoirs difficiles. Μακάριοι, heureux les devoirs austères. Mais voilà. Mettez-vous un peu à la place de M. Rudler.

Je ne dis pas à sa place de maître de conférences. L’État ne le voudrait peut-être pas. Ne riez pas. Il n’y a pas de quoi plaisanter. M. Rudler, notre camarade M. Rudler n’avait pas découvert que notre commun maître M. Lanson n’était pas tout à fait un homme d’un génie extraordinaire, il avait justement, comme par hasard il avait justement découvert au contraire que notre commun maître M. Lanson était un homme d’un génie extraordinaire. La vérité avant tout. Ingrats qui riez, futiles et frivoles, c’est que vous ne savez pas combien un tel secret pèse. Pour les stoïciens, et M. Rudler est évidemment stoïcien, les devoirs faciles sont évidemment les seuls qui soient difficiles ; il n’y a qu’eux qui comptent, il n’y a qu’eux qui embarrassent ; braver les infortunes ne serait rien ; nous en avons l’habitude ; mais braver les fortunes. M. Rudler n’hésita pourtant point. Il prit son courage à deux mains. Dans un élan de sincérité qui est demeuré célèbre M. Rudler proclama devant l’univers étonné que notre maître