Page:Peguy oeuvres completes 13.djvu/159

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M. Lanson est un homme d’un génie extraordinaire. Aujourd’hui M. Rudler fait à l’École Normale Supérieure un cours, ou des cours, notamment un sur Hugo, que les élèves trouvent généralement mauvais.

Ce qui étonna un peu l’univers, ce ne fut pas d’apprendre des douces lèvres de M. Rudler que notre maître M. Lanson était un homme d’un génie extraordinaire. Depuis quelque temps l’univers s’y attendait. Comme on dit, cela se sentait venir. Ce qui étonna un peu l’univers, ce fut un certain ton, ce furent les expressions mêmes qu’employa M. Rudler. En quels termes il nous fit part de sa découverte, le souvenir en est resté universellement présent. Des expressions dont on userait à peine, dont on oserait à peine user pour un Corneille ou pour un Pascal, pour un Beethoven ou pour un Rembrandt, notre camarade M. Rudler en usait fort libérablement pour notre maître M. Lanson. De sorte que l’on se demande ce qu’on dirait si il venait un nouvel Eschyle ou un nouveau Pindare, un nouveau Sophocle ou un nouveau Platon, un Virgile, un nouveau Ronsard ou un nouveau du Bellay, un nouveau Descartes et un nouveau Corneille, un Pascal, un Racine, un Marivaux, un Lamartine et un Hugo, un Vigny, un Michelet. Un Musset. Ou plutôt on sait très bien ce qui arriverait. Le nouveau serait fort mal reçu en Sorbonne. Je veux dire dans tout le Parti Intellectuel. C’est à l’École Normale que j’ai entendu dire, — (je dois dire que ce n’était pas en conférence), — c’était au commencement de la liquidation de l’affaire Dreyfus que j’ai entendu dire à l’École Normale, passant le seuil de la porte, pour entrer : « J’espère qu’à présent on va foutre tout ça en l’air. On