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Page:Peguy oeuvres completes 13.djvu/161

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nous aimions d’avance, des hommes à qui nous avions donné notre cœur, des lèvres dont nous attendions des bonnes paroles, des encouragements, des conseils, les légitimes leçons d’une expérience aînée fraternelle nous n’avons jamais entendu tomber que l’injure et l’offense et l’ingratitude et l’aigreur et la dérision et l’envie. Or nous sommes de la race des Français qui ne supportons point l’offense.

Voilà des textes. De telles paroles, de tels propos forment la jeunesse. C’est encore dans ce milieu de l’École Normale, c’est dans ce petit monde qui ne se croit pas rien et qui n’est pas rien que fut prononcée une autre parole mémorable. Elle fut prononcée par un des maîtres de la maison. — « Cette fois-ci, dit-il, nous le tenons, nous aurons sa peau. » — La peau dont il s’agissait n’était point si je puis dire une peau ordinaire. Il ne s’agissait de rien moins que de la peau de Pascal. — Quel Pascal ? — Pascal, quoi ; pas Paschal Grousset, bien sûr ; Blaise Pascal. C’était au seuil de cette petite conjuration, de cette petite cabale qui fut tramée à l’École Normale et dans le milieu de l’École Normale par un nommé Mathieu ou Matthieu pour démontrer que Pascal était le dernier des faussaires et qui n’a pas laissé de traces. Ni la cabale ni Mathieu. M. Lavisse naturellement avait prêté la Revue de Paris pour la perpétration de cet attentat. Quand il vit que cela tournait mal, lâche dans le crime même, il lâcha ses complices et déclara qu’il ne s’était pas aperçu qu’on faisait ça.

Ayant donc fait cette découverte que notre maître M. Lanson était un homme d’un génie extraordinaire, — (plaignons le jeune homme qui est le dépositaire d’un tel secret), — M. Rudler prit sur lui, entreprit de