Page:Peguy oeuvres completes 13.djvu/230

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rait, nous l’avons connu, nous l’avons éprouvé depuis.

Mais qu’importait alors. Nous ferons nos Confessions, mon vieux Lotte. Nous essaierons de représenter ces trois merveilleuses années. Ce vieux Sainte-Barbe et ce vieux Louis-le-Grand. Cette sorte de qualité propre, cette qualité jeune et pure, cette nette finesse qu’avaient le latin et le grec dans l’enseignement de notre maître M. Bompard. Cette sorte de grande libéralité, de bonté d’esprit et même de cœur qu’avait la philosophie dans l’enseignement de notre maître M. Lévy-Bruhl.

Car nous sommes, nous nous vantons d’être, comme dit Homère, des vieux fils de l’Université. — (Dont tu es en corps et en esprit, dont je suis en esprit et presque et pour ainsi dire en corps). — C’est par un mouvement filial que depuis quinze ans nous nous sommes portés à son secours. C’est un mouvement filial qui nous porte, qui nous anime à repousser ces envahissements de barbarie.

C’est une grande joie, mon cher Lotte, que de n’avoir pas eu une seule fissure dans cette amitié, dans cette fidélité de vingt ans. Et pourtant Dieu sait si la vie nous a dispersés dans des conditions différentes. Mais il faut croire que la pâte était bonne et que la race était bonne et que le cœur était bon.

Je dois dire la vérité, puisqu’on m’en presse. Il ne faut pas que je présente l’opération à l’envers. Ce n’est pas moi qui me suis demandé, ce n’est pas que je me suis demandé d’abord, ayant à faire passer un manifeste, où je le ferais passer. Enfin je veux dire un communiqué. L’opération a été beaucoup moins articulée, beaucoup moins systématique. Les bergsoniens me