Page:Peguy oeuvres completes 13.djvu/268

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son rang de sainteté mais à son rang d’humanité, qui ne voit aussitôt qu’elle est dans cet ordre une femme unique. Un être unique. Car si l’on veut elle est de la race des saints, et si l’on veut elle est de la race des héros. Venant de Dieu et retournant à Dieu et recevant constamment assistance de conseil de ses voix par tout son être elle est une sainte. Elle est de la race des saints. Mais dans cette dure humanité du quinzième siècle et de tous les siècles accomplissant par des moyens purement humains un tel ramassement d’exploits purement humains d’une guerre purement humaine, de toute une action purement humaine par toute son action comme extérieure, par tout son engagement corps et âme dans l’action militaire, dans toute une action de guerre, par toute sa condition, par tout son être d’action elle est un héros, elle est de la race des héros.

Or non seulement la race des héros et la race des saints n’est pas la même. Mais ce sont deux races peu ou mal apparentées. On pourrait presque dire qui ne s’aiment pas, qui n’aiment pas frayer ensemble, qui sont gênées d’être ensemble. Il y a on ne sait quoi de profond et qu’il faudrait approfondir par quoi la race des héros et la race des saints ont on ne sait quelle contrariété profonde. Il n’y a peut-être point deux races d’hommes qui soient profondément aussi étrangères l’une à l’autre, aussi éloignées l’une de l’autre, aussi contraires l’une à l’autre que la race des héros et la race des saints. On découvrirait sans doute que cette contrariété profonde ne fait que traduire, mais sous une forme, sous sa forme peut-être la plus aiguë, sous sa forme éminente cette profonde, cette éternelle contrariété du temporel et de l’éternel.