Page:Peguy oeuvres completes 13.djvu/269

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Or Jeanne d’Arc, précisément parce qu’elle exerçait sa sainteté dans des épreuves purement humaines par des moyens purement humains, précisément parce qu’elle était demeurée entièrement vulnérable militairement, vulnérable à la maladie, vulnérable à la blessure, vulnérable à la capture, vulnérable à la mort, vulnérable à la défaite et à toute défaite, exposée en son plein comme un héros antique à toute aventure de guerre elle est de la race des héros comme elle est de la race des saints. Et comme dans la race des saints elle est et une sainte entre toutes les saintes et une femme entre toutes les saintes, ainsi, parallèlement ainsi dans la race des héros elle est un héros entre tous et une femme. Elle n’est pas moins éminente dans la hiérarchie héroïque que dans la hiérarchie sacrée. Et ainsi elle est à un point d’intersection unique dans l’histoire de l’humanité. En elle se joignent deux races qui ne se joignent nulle part ailleurs. Par un recoupement unique de ces deux races, par une élection, par une vocation unique dans l’histoire du monde elle est à la fois sainte entre tous les héros, héroïque entre toutes les saintes.

Or au deuxième degré dans cette guerre même que nous disons ordinaire et que nous disons qu’elle faisait ordinaire, elle-même ordinaire, en réalité nous savons bien que c’était une guerre extraordinaire, mais extraordinaire au contraire, dans l’autre sens, en sens contraire, dans le sens du risque et d’une aventure et d’un danger extraordinaire. Car elle n’était point « chevaleresque » et nous devons remercier M. Laudet de nous avoir acheminé à ces quelques