Page:Peguy oeuvres completes 13.djvu/276

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est chrétien parce qu’on est d’une certaine race remontante, d’une certaine race mystique, d’une certaine race spirituelle et charnelle, temporelle et éternelle, d’un certain sang. Ce classement cardinal ne se fait point horizontalement mais verticalement.

Quand un homme ne pèche pas, ne peut pas pécher, quand un homme peut commettre un crime sans que ce crime soit un péché, il n’est pas chrétien, c’est alors qu’il n’est pas chrétien, cet homme n’entre pas dans le système de chrétienté.

C’est une cité. Un mauvais citoyen est de la cité. Un bon étranger n’en est pas. Un mauvais Français est Français. Un bon Allemand n’est pas Français.

Pour moi j’ai pris en cette matière dès la première heure l’attitude qui sera mon attitude définitive. Je suis le chroniqueur et ne veux être que le chroniqueur. Mais je ne me dissimule pas que le chroniqueur et d’être le chroniqueur c’est tout ce qu’il y a de plus grave. Et tout ce qu’il y a de plus grand, dans le deuxième ordre, dans l’ordre de ceux qui ne sont pas, eux-mêmes, mais qui relatent, mais qui rapportent, mais qui témoignent de ceux qui sont. Le chroniqueur est le témoin historique. Le témoin de l’être et de l’événement. À la fin de sa vie ne fu-je mie ; mais d’autres y furent qui nous en ont laissé témoignage. C’est ce témoignage même et cet événement unique et cette créature, et cet être unique de sainteté que je veux représenter. Je l’ai dit dès le premier jour, je l’ai dit dès le principe, en matière de représentation écrite il ne faut point confondre nos maîtres et nos modèles.