Page:Peguy oeuvres completes 13.djvu/292

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le rite, qu’il est la seule voix qui pût ainsi garder pour tous les temps la parole éternelle. Qu’il est une voix singulière, une voix (singulièrement) prédestinée, une voix elle-même appelée, vox vocata. Une voix élue. Une voix où la parole de Dieu s’accomplit, atteint son expression éternelle, on pourrait presque dire son juste ton, son expression propre. Sa première expression. Le ton, l’expression qu’elle attendait. Je ne l’entends malheureusement point en juif. Mais j’ai des amis qui l’y entendent. Et je les entends l’entendre. Elle y a une gravité comme d’un juge et de celui qui éprouve. La parole de Dieu est plus intelligente en grec. Plus platonicienne. Et plus philosophe. Il fallait peut-être s’y attendre. Mais en latin elle est éternelle.

Per gaudia tua, — il y a une deuxième langue sacrée, il y a une deuxième accointance et peut-être une première. Il y aurait une deuxième et peut-être une première langue, et même une langue première qui garderait intacte, qui revêtirait juste la parole de Dieu.

N’en doutons point. Il y a aussi une élection du français. Qui en doute lisant une page des Procès de Jeanne d’Arc. Et qui en doute lisant une page de Joinville. Il fallait seulement garder la force du latin. On souffre quand on lit une traduction quelconque des Évangiles en français. Et en général de tous les textes sacrés latins et de tous les textes rituels, de tous les textes liturgiques dans les catéchismes et dans les livres de messe à deux colonnes. C’est un faiblissement perpétuel. Ça ressemble aux deux colonnes que je ferai pour finir à M. Laudet. Les pauvres gens, on sent qu’ils ont perpétuellement peur de leur texte. Et de l’autre