M. Péguy. Car il parle souvent de « travailler » à autre chose ; mais il en revient toujours là.
Un chrétien des premiers âges, qui aurait vu Constantin et sa suite, se serait sans doute réfugié dans une métaphysique hautaine, la défense des classiques grecs et le culte des anciens héros. Il est donc naturel qu’un dreyfusiste intransigeant, amer et désappointé, se retire de même dans les templa serena d’un bergsonisme inaccessible au commun des « démocrates », rompe des lances en l’honneur des humanités traditionnelles contre les barbares du jour, et célèbre Jeanne d’Arc sous l’œil bienveillant de M. Maurice Barrès. D’autant plus que, en agissant de la sorte, on est sûr de ne pas rester isolé : on a pour soi, d’avance, l’applaudissement, l’appui moral et, au besoin, « temporel », du parti, toujours considérable, qui est irréductiblement opposé, pour les mêmes raisons que soi, et pour d’autres, à celui qui paraît au pinacle. — Voilà, il me semble, comment il se fait que M. Péguy, qui est, au fond, si primaire (par sa préoccupation persistante des choses d’école, sa roideur et sa demi-culture, verbale et sans substance), ait adopté d’instinct l’attitude qu’on lui voit ; et que cette attitude commence à lui valoir, avec la curiosité, les sympathies a priori du beau monde, si grossièrement méprisant, d’ordinaire, pour ceux de sa race. Le beau monde, c’est-à-dire les gens qui, s’ils avaient pu, il y a dix ans, soupçonner son existence, n’auraient pas été éloignés, avec leur brutalité sans nuances pour tout ce qui dépasse l’alignement, de le tenir pour un fou.
J’en ai dit assez, je crois, pour inviter à lire ce livre. C’était mon dessein. L’auteur n’est guère entré en contact pendant longtemps qu’avec des fidèles qui lui passaient tout, et qui s’attachaient davantage à mesure qu’il les rudoyait avec plus de sans gêne (naguère aux États-Unis, le « prophète » Dowie — prophète quêteur, mystique, homme d’affaires, guérisseur d’âmes, « persécuté » et