Page:Peguy oeuvres completes 13.djvu/74

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bonds, de moissonneurs, de centeniers, de Samaritains, d’aubergistes, étaient-elles des affaires publiques, étaient-elles des affaires d’État ? La place que tiennent les affaires d’État dans l’enseignement des Évangiles est infime. Les didrachmes, le tribut à César. Cela est presque anormal, cela fait presque tache dans le tissu de cet enseignement. Cela est presque d’un autre ton. Tellement toute la matière de cet enseignement public est une matière privée. Jésus enseigne publiquement à vivre en pauvre, à vivre privément, en homme non public. Littéralement ce que Jésus prêche, à l’extrême rigueur, dans toute la rigueur, dans l’extrême rigueur des termes ce que Jésus enseigne, ce n’est point à vivre comme il enseigne, c’est à vivre comme il enseigne à vivre, là est tout le débat, et il enseigne à vivre précisément comme il vivait lui-même avant de commencer à enseigner. Ce qui revient à dire que sa vie privée, telle qu’il l’avait vécue avant le commencement de son enseignement, public, était la matière de son enseignement, devint la matière dont ensuite il fit son enseignement. Ce qui revient à dire que pour Jésus même nous sommes conduits à nous rabattre du public sur le privé. Et il n’est pas étonnant que nous soyons conduits à le faire pour Jésus comme pour les autres saints si ce que nous avons dit de la représentation éminente des saints en Jésus, dans le détail même, correspondait à la réalité mystique.

§ 135. — Particulièrement Jésus homme public, prédicateur et missionnaire, nous a formellement commandé de vivre comme des enfants. Matthieu, XVIII-3, sicut parvuli. Les enfants n’étant point généralement