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le vice suprême

Sur ses formes Parmesanes, le peignoir de soie violette a des froissements pareils à des moues de lèvres, à des caresses timides et effleureuses. Un bras que la retombée de la manche dénude, encouronne sa tête aux cheveux roux et lourds, l’autre pend avec des flexibilités de lianes, des souplesses de lierre et le dos des doigts pointus touche la peluche rase du tapis.

Par un bayement de l’étoffe la gorge apparaît, filigranée de l’azur des veines qui transparaissent. Les seins très séparés et placés haut sont aigus, les mules tombées, les pieds nus ont cet écartement de l’orteil que la bandelette du cothurne fait aux statues : et le sortir du bain amollit de matité douillette tout cet éphébisme à la Primatice. On dirait l’Anadyomène de ces primitifs qui, d’un pinceau encore mystique, s’essayent au paganisme renaissant, un Botticelli où la sainte déshabillée en nymphe, garde de la gaucherie dans la perversité d’une plastique de stupre ; une vierge folle de Dürer, née sous le ciel italien, et élégantisée par un mélange de cette maigreur florentine où il n’y a pas d’os, et de cette chair lombarde où il n’y a pas graisse.

La paupière mi-close sur une vision entrevue, le regard perdu dans les horizons du rêve, la narine caressée par des senteurs subtiles, la bouche entr’ouverte comme pour un baiser, — elle songe.

D’une robe couleur du temps, ou d’un cœur qui la comprenne, d’infini ou de chiffons ? Dans quelle contrée du pays bleu, à la porte de quel paradis perdu, son désir bat-il de l’aile ? Sur la croupe de quelle chimère prend-elle son envolée dans le rêve ?

Elle ne songe à rien, ni à personne, ni à elle-même.

Cette absence de toute pensée énamoure ses yeux et entr’ouvre ses lèvres minces d’un sourire heureux.

Elle est toute à la volupté de cette heure d’instinctivité pure, où la pensée, ce balancier inquiet et toujours