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le vice suprême

meil du Palais, le calme de la nuit, le silence de la place enfiévraient son pouls, agitaient son esprit, rendant sa rêverie prolixe et son imagination oseuse.

Des haleines passaient sur elle, caressantes ; et l’hymne de l’idéal balbutiait dans son cœur, qui battait à des pensées de roman.


iii

l’enfance d’une héraclide

Par une de ces ironies de la Providence qui raille l’inanité de nos plus intenses sentiments et charge le temps de les user et de les démentir, le dernier Torelli fut le tuteur de la dernière des d’Este. La mutuelle haine de ces deux familles, militante et furieuse, pendant deux siècles, aboutit à ceci : le Gibelin amoureux de la Guelfe et tuteur de sa fille.

Marie-Béatrix d’Este fut une princesse hautaine et ennuyée. Veuve, au bout d’un an, elle eut pour plaisir la chasse et pour souci le dressage des chevaux et des faucons, dédaigneuse des hommes. Une fluxion de poitrine l’emporta, jeune encore, en son château de Ferrare.

Le duc Torelli avait aimé cette Artémis d’un amour inutile ; il n’en obtint que la tutelle de la petite Leonora âgée de huit ans à la mort de sa mère et qu’il emmena à Florence. Il voulut d’abord la mettre au Poggio Imperiale, le pensionnat héraldique ; mais l’enfant articula « un je ne veux pas » qui rappela au duc l’opiniâtre volonté de Marie-Béatrix que son adoration n’avait pu fléchir.