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le vice suprême

Strozzi héroïsait. Il avait gardé intactes les rancunes de six siècles et soulignait son respect pour cette haine maintenue qui mit, hors de la symétrie, le palais de la Seigneurie, pour ne pas bâtir sur le terrain gibelin des Uberti. Avec les idées de ce passé qu’il ressuscitait, il montra le mal de plus grande envergure que le bien, le vice plus séduisant que la vertu, le crime à l’état héroïque et détruisant ainsi le faible sens moral de la jeune princesse, aida au caractère d’atavisme que devaient revêtir plus tard sa vie et sa pensée.

Quand elle eut douze ans, Torelli songea à son éducation ; il écrivit à son cousin le cardinal Pallavicini de lui envoyer le meilleur des précepteurs. Peu après, un individu d’un beau visage et mis négligemment se présenta au palais, avec ce mot du cardinal : « Mon cher cousin, ci-joint, il signor Sarkis dont je prive, pour vous le donner, le corpus des inscriptions romaines. »

Sarkis semblait un traînard de ces Grecs, qui fuyant devant les Turcs, vinrent chercher un asile à la cour des Médicis. Savant comme ceux qui savent pour savoir il avait roulé l’Europe, secrétaire, interprète, fabricant d’ouvrages à signer pour les riches vaniteux, changeant de pays suivant son étude du moment, heureux d’amasser une science qui ne lui servirait à rien. À l’heure où un caprice pour Rome, l’avait fait entrer au corpus du Vatican, sa quarantième année sonnait, inquiétement. Pour la première fois il songeait à la vieillesse, lorsque la proposition du cardinal lui fut faite ; aussi accepta-t-il tout de suite, entrevoyant une sinécure dans une ville qui lui plaisait et la garantie de l’avenir. Dès qu’il eut causé avec Leonora : « Vous êtes plus intelligente qu’il ne convient à une princesse de nos jours ; aussi vous donnerai-je une éducation royale. »

Au lieu d’ânonner selon la méthode Psiltacine de l’Université, il lui fit suivre cette méthode Jacotot qui est une partie retrouvée de l’Art Notoire des hermétistes. Traduisant en grec, en latin et en français les