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le vice suprême

la plupart, celui qu’on appelle le plus beau de la vie, parce qu’on s’y est élevé au-dessus de la terre, et qu’en cet effort, on a aperçu dans la gloire Eucharistique le plus haut objectif de l’humaine pensée, celui que les kabbalistes nomment l’ineffable : Dieu !

Dans les salons de Florence, Leonora n’était pas obligée à l’air sourd d’une jeune fille de France, devant qui la conversation se fait chuchoteuse, et qu’on renvoie dès qu’elle dévie sur l’amour. Sans souci de sa présence, on parlait de la façon dont Salviati avait quitté la comtesse Sambelli et des efforts du comte Sambelli pour les rapatrier. Il n’était pas rare que quelqu’un exposât sa théorie passionnelle, souvent scabreuse ; mais tout cela était trop de la réalité pour l’enflammer. Ce qui la troublait, c’étaient ses lectures, et plus encore les pensée qu’elles lui suscitaient.

En étudiant le Tasse, elle jalousa son aïeule d’avoir été ainsi chantée. La Vie Nouvelle lui fit rêver la gloire d’une Béatrice : et Laure de Noves et Vittoria Colonna lui semblèrent bien heureuses de porter l’immortelle couronne que tressent seuls les doigts des poètes. Ces femmes de tant de vertus ou de scélératesse étaient ses héroïnes, et les modèles qu’elle se proposait. Leur attitude de madone, avec le génie prosterné encensant leurs pieds chastes, l’émerveillait. Inspirer un amour qui fût une religion et à un génie, elle eut ce rêve. Cependant en elle, le désir, serpent que la volonté coupe en morceaux qui toujours se rejoignent, sifflait parfois à ses oreilles les concupiscentes faiblesses et déroulait, pendant la nuit, ses anneaux étincelants.

Des visites journalières aux Offices avaient développé chez elle l’œil artiste et la compréhension plastique. Ces curiosités du corps de l’homme qui troublent la puberté de la femme, les statues familières à ses yeux, les avaient satisfaites.

Tandis que son amie Bianca, voluptueuse et dont les confidences paraphrasaient les regards énamourés des