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le vice suprême

nance d’esprit ou de chair s’accuse. Elle demanda à la prière l’apaisement de sa pensée ; mais ses élans icariens vers Dieu, à peine élevés, retombaient devant les profanes images du désir.

Alors elle sentit le besoin de celui qui, d’une main sainte, apaise et éteint les flammes impures et qui, sur la chair et l’esprit en péché, applique les mystiques bandelettes de la religion, seules rênes qui puissent arrêter la faiblesse humaine, sur la pente obscénement glissante de la sexualité.

Le chanoine qui disait la messe de huit heures à Notre-Dame des Fleurs apportait dans la célébration du mystère, une onction si douce, un recueillement si plein du grand acte qu’il accomplissait, une telle conscience de la présence réelle, qu’il semblait, dans ses larges gestes d’officiant, porter à Dieu les prières des fidèles et prendre au ciel la bénédiction qu’il épandait à la terre.

Avec une confiance sûre d’être justifiée, Leonora s’agenouilla au confessionnal du Père Francesco et lui ouvrit son cœur sans artifice d’expression ni restriction mentale, disant toutes ses pensées, même les honteuses ; tous ses désirs, même les bas.

— « Mon enfant, » lui dit le prêtre après l’avoir entendue, « le mal c’est le laid ; il faut que le cœur soit beau pour plaire à Dieu ; et je vois prématurément dans votre esprit ces idées décadentes du mépris de la bonté, du dédain de la vertu, et la conception d’un idéal dans le mal… Oh ! j’ai été de ceux-là pour qui l’art est le seul vrai Dieu, le génie, le seul prophète… Je ne voyais rien au delà d’un chef-d’œuvre, et du jour où j’acquis la certitude que je n’en ferais jamais, le monde me sembla vide, la vie inutile et insupportablement vaine. Une après-midi où la lassitude d’exister me faisait chercher la porte à prendre, pour sortir de l’existence, je me dirigeai machinalement vers il Carmine, où j’étais entré si souvent, en fidèle de Masaccio. J’allai