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le vice suprême

— « Pas plus qu’un maître de dessin, » ajouta Bojo.

— « Je réponds qu’on vous emportera, » fit Sarkis qui riait.

Le duc était au Palais, et Sarkis eut à peine phrasé son projet qu’il s’empressa d’acquiescer :

— « J’ai toute confiance en vous, Sarkis, » dit-il, « mais emmenez Bojo et Warke ; cela fera une sorte de suite à Leonora. »

En déshabillé, un livre ouvert devant elle, rêveuse, elle regardait ses bras nus et tressaillit comme surprise dans sa pensée.

— « Eh bien ! » fit-elle sèchement à Sarkis, qui était entré brusquement.

— « Il importe peu, Altesse, que je vous voie nu-bras, il doit vous importer beaucoup de faire un voyage de six mois, à travers toute l’Italie. »

— « C’est une belle surprise, » dit-elle en se levant, joyeuse.

— « Venez donc rassurer Warke et Bojo qui ont peur d’être laissés ici. »

Jetant un mantelet sur ses épaules, elle suivit Sarkis dans la bibliothèque où les deux professeurs se levèrent à sa vue.

— « Signori, » prononça-t-elle, souriante, avec un grand air, « notre bon plaisir étant de voir l’Italie : Sarkis, secrétaire de nos commandements, devra, outre l’explication toujours prête et le commentaire sans fin, avoir quelque chose d’intéressant à nous mettre sous l’esprit s’il nous vient l’envie de causer ; Warke, notre maître de chapelle, emportera son violon : et lorsque nous nous arrêterons devant un monument ou un site, jouera un morceau analogue à notre situation d’esprit qu’il devinera ; Bojo, notre peintre ordinaire, dessinera les types et les paysages qui nous frapperont. Dixi et aux malles ! »

Et joyeux fut le départ, plus joyeux le voyage.

Aucun d’eux ne se souvenait d’avoir jamais été si