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le vice suprême

au désir. Enfin il s’avança. D’un geste calme, la princesse frappa sur un timbre. Un valet parut.

— « Éclairez à Son Altesse. — Bonsoir, prince ! »

Malatesta salua et sortit.

Comme ceux qui, arrivés au milieu de la vie, n’y ont point trouvé de but, et de clairvoyance et de réflexion, s’engagent en ces impasses passionnelles qui ne mènent qu’à choir dans le brutisme conscient ; devant ce refus qu’il savait inéluctable, Malatesta obstina son constant désir.

À l’instar de ces fanatiques Danubiens qui se sabrent avec joie, il est des modernes qui, par inappétence à exister hors de certaines conditions qui leur manquent, se font de perpétuelles et sanglantes blessures à l’âme.

L’étude passionnelle des décadences trouve, à peu près toujours, un déterminisme illogique, irrationnels, absurde aux phénomènes psychiques. À cette heure des histoires où une civilisation finit, le grand fait est un état nauséeux de l’âme et dans les hautes classes surtout, une lassitude d’exister. Alors, sciemment, délibérément, on gâche sa vie, on émiette son intelligence, on aime le mal pour le mal, on le fait « pour le plaisir » et jusqu’à soi-même. Car de la décomposition générale des idées et des concepts, il résulte pour l’individu son haut vouloir et qui ne sait pas réagir contre courant de l’époque, un phénomène formidable d’envoûtement.

Les acoquinements paisibles et monstrueux, comme le mari et la femme ayant la même maîtresse ou le même amant, ne sont que de la physiologie ; mais les absorptions de la volonté consenties, les accouplements qui dégradent le savant gouverné par sa cuisinière, le poète par la fille, le mari par la femme, l’amant par la maîtresse, les ducs piétinant leur grand cordon, les prêtres leur étole, les génies leur mission ; toutes ces lâchetés ont un but : l’immense soulagement d’abdiquer toute activité, le nirvana du passivisme ; un dé-