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le vice suprême

sintéressement complet de la dignité de la vie, le pliage définitif du respect humain ; en un mot, l’hypocrite prétexte que veut le lâche pour se déclarer irresponsable.

Le prince de Condé se laissant battre, se laissant pendre par la Feuchères, était vieux ; mais la sénilité du vouloir est de tous les âges. Pantin cassé aux ficelles pendantes, le décadent n’a pas même le ressort qu’il faut pour déplacer son vice et changer de fumier ; il pourrit sur place, heureux de cette vermine, qui, pour quelques droits qu’elle lui ôte, lui ôte aussi tous les devoirs. Dédaigneux de sa liberté qui lui pèse, il appelle avec cris la tyrannie d’un vice. Aux époques d’épée, on faisait bon marché de sa vie ; aux époques de dandysme, on fait bon marché de sa volonté. Vivre est si nauséeux qu’on s’abandonne sous le martèlement de l’habitude à ce lent suicide : l’ivresse de l’inertie.

Malatesta se fit Tantale, volontairement. Il souffrit d’affres indescriptibles ; mais il eut un désir jamais satisfait, jamais émoussé, qui réveillait son activité dans le même sens que certains libidineux se font battre.

Il n’aimait ni ne haïssait sa femme : il la désirait. Son imagination dépravée lui faisait voir en elle d’inouïes voluptés ; il était resté inassouvi et n’espérait aucun assouvissement.

Étrange couple où l’un, pétri du plus odieux des vices du corps, se murait dans une concupiscence vaine ; tandis que l’autre, sans vertu, se défendait la vie sensorielle, par seul orgueil.

Dès qu’un ton de camaraderie se fut établi, Malatesta, sans croire à aucun profit, s’ingénia à irriter les sens de sa femme, comme il avait irrité ceux de sa fiancée ; et dans cette voluptueuse langue italienne, la plus expressive des sensualités, il improvisait des paraphrases aux sonnets luxurieux.

Leonora lui permit d’assister à cette seconde partie