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le vice suprême

de la toilette où la femme n’a plus que de jolis mouvements à faire ; même il obtint d’assister à ses bains ; et c’était un spectacle de vengeance, délicieux pour la princesse, de le voir dévorer de regards fous, son corps plus désirable encore sous la transparence de l’eau.

Par une excitation aussi constante, Malatesta arriva à un éréthisme qui le tenait en perpétuelle fièvre.

Tandis que toute la tentation du prince venait de Leonora ; elle, n’était tentée que par les visions de son esprit ; mais ce qui était une représaille lui plut ; l’impudeur devint son étude et sa magie. Bientôt sa perversité ne se borna pas à affoler son mari ; son vice d’habitude fut d’exaspérer le désir chez tous ceux qui le lui exprimèrent.

Sataniquement, Malatesta songea à l’irrésistible séduction qu’exercerait sa femme à Paris et à son plaisir d’en voir d’autres, beaucoup d’autres, damnés comme lui, en l’enfer du désir vain.

En voyant les préparatifs du départ, Bojo et Warke qui s’ennuyaient déjà, n’étant plus aussi souvent avec leur chère élève, s’attristèrent. Leonora leur offrit de les emmener ; ils refusèrent, se jugeant désormais inutiles, presque gênants ; ils préférèrent, Bojo rester à Florence, Warke retourner en Allemagne. Leonora leur donna cent mille francs à chacun en les embrassant.

— « Adieu, mes chers maîtres, je n’oublierai jamais que j’ai passé avec vous mes meilleures années, et vous, si vous avez besoin d’or, de protection, écrivez ; écrivez aussi pour que je sache que vous êtes heureux. »

Les deux professeurs pleurèrent comme s’il leur mourait un enfant,

— « Ah ! » fit Leonora très émue à Sarkis, « je vais avoir bien besoin de sentir votre pensée près de moi. »

L’hôtel Malatesta était un palais italien. Le prince avait fait exécuter scrupuleusement le plan de l’Alberti qui construisit la cathédrale de Rimini, un des premiers retours au néo-romain.