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le vice suprême

grandes à un tel blason : l’Élysée même s’en émut et le maréchal-président envoya une invitation qui lui fut retournée avec ces mots au travers et au crayon : La princesse Malatesta, née d’Este, ne va pas chez un chef de prétoriens. Cette hauteur héraldique fut très applaudie.

À peine arrivée, mille jalousies de femmes se levèrent contre elle, qu’elle ne daigna pas voir, tandis que les hommes, séduits tout de suite, lui faisaient une cour et un cortège. Debout derrière son fauteuil, caracolant à la portière de sa calèche, la cohue des gens à la mode la suivit comme un étendard et reçut, dès les premiers jours, cette parole collectivement flatteuse : « Tout le monde est-il aussi ennuyeux que vous ici ? »

À sa liberté d’allures, de mots, d’idées, on crut à une extravagante qui ferait des heureux ; mais on revint vite de ce téméraire jugement. D’un sourire à la Lise, d’un baissement de paupières à la Colombina, elle coupait une déclaration sans parler et sa façon de hausser les épaules confusionnait les plus lovelaces. Au sortir de Florence où l’amour est pris au sérieux, où l’adultère devient majeur d’ordinaire ; tandis que cet absurde, le ridicule, n’existe pas, elle trouva funambulesque le papillonnage parisien. Les bouquets, elle les faisait jeter dans la litière aux chevaux, les lettres circuler impitoyablement, au plus grand ridicule du signataire. Les nobliots s’entêtant, elle les appela : Mei facchini, mei fantocchini. Une année, au jour de l’an, on envoya à ses intimes des cartes où sous le nom comme un titre, il y avait : Facchino della principessa Malatesta, nata d’Este.

Quant à Malatesta, ses plaisirs d’amour-propre furent extrêmes. Ce qu’on appelle le Tout-Paris l’envia.

— « Je crois qu’elle n’est pas même à son mari, » disait M. de Courtenay, tellement l’impeccabilité de la princesse était reconnue.

Infernalement satisfait de voir le désir physique