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le vice suprême

s’allumer en un sillage obscène au passage de la princesse, il la poussait dans la voie de cette impudeur patricienne qui atteint le style. Il n’était plus seul à souffrir, il surprenait chaque jour des bribes de confidences, des lambeaux de conversation d’hommes, où éclatait l’aveu d’un tourment semblable au sien et né de la même cause.

Rien ne trahissait l’étrangeté d’existence des Malatesta, et jamais la galerie ne vit un regard et n’entendit un mot qui ne fût dans la donnée d’un mariage princier.

Trois années durant, Sigismond se consola de son malheur en voyant celui d’autrui. Les réceptions du palais Malatesta devinrent célèbres, et l’éhonté reportage qui a conquis aujourd’hui ses outrageantes franchises, commençait déjà à décrire le lit des femmes honnêtes. Un porter de l’Indiscret se présenta, en artiste qui voyage, et un valet lui fit tout visiter. Trois jours après, un article intitulé : « Palais Malatesta » paraissait où était décrit le boudoir circulaire de la princesse. Malatesta souffleta le reporter à qui il eut le tort d’accorder une rencontre où il fut tué raide d’une balle à la tête.

La princesse était à un bal blanc, chez la duchesse de Noirmoutier, quand Sarkis vint lui apprendre la mort de son mari, et pourquoi il s’était battu, Calmement, elle attira le comte de Rochenard dans une embrasure :

— « Voulez-vous me tuer quelqu’un ? »

— « Un assassinat ? Non ! »

— « Un duel ! »

— « Oui, si sbire, je suis payé de mon coup d’épée ? »

— « Vous le serez. »

Une semaine après l’enterrement de Sigismond, le reporter était correctement embroché sur la frontière belge. Rochenard revint triomphant et voulut lui prendre la main.

Elle le toisa.