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le vice suprême

lui manifestaient ce même désir sexuel qui l’avait profanée. Une détestable métamorphose s’opéra : l’hybridation de sa nature apparut, et sur son organisation italienne s’enta l’ennui morne de notre décadence.

Par un atavisme métaphysique, après cinq siècles, se retrouvèrent en elle les idées initiales de sa race ; elle fut une revenante de la cour de Ferrare ; mais les entours exaspérèrent les ferments de mal qui eussent sommeillé doucement dans un palais ducal ; elle vit que Sarkis avait prophétisé.

La femme du monde est vide d’ordinaire ; avec les convenances pour lois, l’opinion pour guide, le scandale pour crainte, la toilette pour pensée. C’est une actrice qui n’est pas même une comédienne au niveau de son rôle, incapable d’autres.

Au faubourg Saint-Germain où tout est nuance demi-teinte et quart de ton, où la règle est de s’effacer, la couleur d’être grisaille, le goût de n’être pas, Leonora mentalement bayait. Le Rien des choses et des gens de son monde la rejeta en des lectures et des études où Sarkis ne pouvait plus l’intéresser, dédaigneuse de la vie qu’elle menait et n’en voyant pas une autre à mener.

— « Sarkis, Sarkis, un objectif pour l’amour du diable ou de moi ? »

— « Il y en a quatre, Altesse : Dieu ? »

— « C’est trop haut ! »

— « L’Art ? »

— « C’est trop loin ! »

— « L’Ambition ? »

— « C’est trop bête ! »

— « L’Amour ? »

— « C’est trop sale ! »

— « Ah ! vous serez malheureuse, Altesse, vous n’avez pas d’ailes pour croire ou pour créer, ni vertu, ni génie ; et vous n’avez pas de pieds pour suivre l’instinct, ni de bras pour étreindre les vanités. Inapte à la fois au su-